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Photo du rédacteurJérôme

Liberté ! LE mot clé de ma mythologie personnelle

Fiche de lecture de Liberté & Cie - Quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises

Isaac Getz & Brian M. Carney

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Liberté ! C’est LE mot clé de ma mythologie personnelle, alors autant dire que lorsque Claire, mon associée, m’a offert ce livre, je l’ai reçu avec plaisir, émotion et une envie rare d’en entamer la lecture !


Liberté, c’est la devise fondatrice de notre République, c’est aussi un des fondements du Capitalisme, c’est également un besoin que l’Homme revendique dans notre société actuelle : liberté d’expression, de vote, de culte, de sexualité, de mouvement …

Les auteurs posent la liberté comme un principe de management. Je jubile !


Suis-je un dirigeant libérateur ? Mes collaborateurs se sentent-ils libres ? Le sont-ils vraiment ? Belle occasion pour une plongée introspective dans les pratiques de mon entreprise, les miennes en tant que dirigeant, tout en découvrant au fil du livre le parcours d’une dizaine d’entreprises libérées, partout dans le monde.


Dans les premiers chapitres du livre, Getz et Carney expliquent ce que sont les entreprises « comment » et les entreprises « pourquoi ». Au moment de la Révolution Industrielle, les artisans sont devenus des employés d’usine. Leurs savoir-faire sont indispensables à la bonne réalisation des produits manufacturés mais l’essor industriel nécessite une organisation du travail qui les dépossède de l’accomplissement complet des produits qu’ils fabriquent. Il faut scinder les tâches, optimiser le temps de réalisation de chacune, s’assurer des cadences, etc.


C’est la division du travail d’Adam Smith. A partir de la fin du 18è siècle, l’artisan ouvrier n’a plus à se demander pourquoi il effectue une tâche, il doit obéir à comment la réaliser. C’est le début de la hiérarchisation des postes, de la perte du bon sens pratique, de la libre expression de chacun dans l’entreprise, au profit des règles d’entreprise destinées à vérifier et contrôler, la création des syndicats comme unique voix salariale.


Les aptitudes de l’individu à exercer sa volonté, son libre-arbitre, à exprimer une opinion sont radicalement niées. L’ouvrier n’est plus un liber, un homme libre.


Les auteurs racontent de nombreuses anecdotes sur ces entreprises qui seront finalement libérées par des dirigeants visionnaires et atypiques. Un exemple qui m’a marqué est celui d’une entreprise industrielle dans laquelle, si un ouvrier dont les gants de travail sont usés veut les changer pour opérer sa machine, doit faire ceci : une demande à son contremaître, qui doit donner son accord pour que l’ouvrier puisse aller demander aux moyens généraux (situés à l’opposé de sa station de travail) la clé du magasin où sont stockés les gants, puis retraverser l’entreprise pour récupérer ses gants neufs, puis retraverser l’entreprise pour rendre la clé du magasin aux moyens généraux, puis retraverser l’entreprise pour reprendre son poste de travail.


La raison invoquée pour de telles procédures étant qu’il y avait eu des vols de matériel à l’atelier. Le dirigeant avait mis en place ce que les auteurs nomment une « règle de gouvernance pour les 3% », c’est à dire une règle mise en place pour les exceptions privant la majorité d’un pan de liberté.


Dans la suite de l’ouvrage, les auteurs insistent sur les enjeux du changement. Libérer les salariés signifient leur offrir une ou des opportunités de changement. Et ils précisent qu’un dirigeant libérateur doit avoir compris la notion fondamentale que les gens ne sont pas opposés aux changements, ils s’opposent à ce qu’on les change.


Il conviendrait donc d’associer les salariés aux décisions qui engendreraient des changements pour qu’ils se les approprient ? Les réunions de service, les comités de ceci et cela, les ateliers de réflexion existent et pourtant les salariés ont toujours le sentiment de subir les changements.


Pour Getz et Carney, les dirigeants doivent donc aller plus loin : il faudrait que ce soit les salariés qui prennent les décisions de changements car ce sont eux les mieux à même de savoir ce qui ne fonctionne pas / plus dans une entreprise et chacun sait mieux que quiconque ce dont il a besoin !


A la lecture de ces chapitres, je décroche et trouve le discours idéaliste, démagogique et peu crédible. C’est le dirigeant qui pilote sa société, qui sait où il veux l’emmener, c’est lui qui maîtrise les besoins de développement, les données financières, la vision … Tout le monde ne peut pas avoir le même niveau d’information au sein d’une entreprise, tout le monde n’a pas les mêmes compétences opérationnelles, tout le monde n’a pas vocation à être dirigeant. Et c’est tout simplement impossible de satisfaire les desiderata de chacun !

Les auteurs sont-ils en train de me vendre l’entreprise autogérée où l’on gomme toutes les distinctions hiérarchiques, où toutes les décisions sont prises dans la transparence, où tous les profits sont répartis dans la collectivité, où l’on affirme la capacité des salariés à s’organiser sans dirigeant ?


Pas du tout ! Pour Getz et Carney, il n’est pas question de faire disparaître l’encadrement intermédiaire, les différents services ou niveaux de salaires, ni la place et les fonctions des cadres et des dirigeants.


Il s’agit simplement de mettre en place de vraies relations humaines dans l’entreprise, des relations humaines libérées. Nous ne sommes pas tous ouvriers, pas tous cadres, pas tous managers, pas tous patrons, par contre, nous sommes tous des êtres humains avec les mêmes besoins de reconnaissance, d’écoute, de sens et les mêmes aspirations au bien être dans son quotidien de travail …


Les auteurs précisent dans la dernière partie du livre comment introduire de la liberté dans les relations humaines : liberté rime avec responsabilités et libéralisation avec permission :

  • Responsabiliser les salariés en donnant du sens à leurs tâches et à leurs fonctions dans l’entreprise de la façon la plus équitable et la plus holiste possible sans démagogie.

  • Permettre l’initiative, l’appréciation, l’action, l’erreur, la prise de position, le questionnement sans sanction.

Cette étape de libéralisation des relations déclenche alors un regain d’auto-motivation pour les salariés. C’est de cette dynamique que les envies de changement vont surgir naturellement :

  • Le changement individuel : confiance en soi, en ses compétences professionnelles, en son avenir professionnel …

  • Les changement collectifs : véritable esprit et culture d’entreprise, envie du travail en équipe, émergence d’idées au service de l’intérêt commun …

À la lecture de Liberté & Cie, je constate finalement que libération rime surtout avec communication. Tous les dirigeants libérateurs montrés en exemple dans le livre sont de vrais communicants, pas de « bons communicants » brillamment rompus à la répartie grâce à leurs études et leur parcours professionnel. Ce sont des hommes et des femmes qui aiment écouter plus qu’ils n’aiment dire, qui aiment transmettre plus qu’ils n’aiment imposer. Ce sont des hommes et des femmes qui osent la relation humaine dans l’entreprise dans la sincérité de leur bienveillance sans renoncer à leur leadership et sans complaisance.


Dans cette ouvrage, on retrouve en filigrane Norbert Alter et la force de l’atypicité qu’on en commun ces dirigeants libérateurs. On voit l’importance pour les salariés de comprendre le sens de la tâche qu’ils entreprennent au travail en écho à la culture de l’artisanat vue par Richard Sennett. On mesure la portée de la maxime d’Epictète Ce qui dépend de nous que ces dirigeants ont su habillement traduire dans leur culture d’entreprise sous la forme « Ce qui dépend de vous ».

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